mercredi 28 janvier 2015

11/11 – 13/11 : Réserve Pacaya Samiria,la casa de Shapshico Pérou

A bord de la barque du cargo, nous quittons l'Ucayali sur lequel nous naviguions depuis 3 jours et empruntons le rio Yarapa. Peu après son embouchure, nous débarquons...bagages, bidons d'essence et provisions sont déchargés. Nous faisons nos adieux aux deux hommes d'équipage qui repartent rejoindre le cargo en route vers Iquitos et cheminons par un court sentier jusqu'à la casa Shapshico, lieu de résidence de ces 3 jours inoubliables en jungle amazonienne.
Maison en bois sur pilotis au toit de palme, les travaux ne sont pas complètement finis mais le confort minimum est présent. Notre luxe est d'avoir un guide et un batelier pour nous deux et l'ambiance y est plus authentique que tous ces lodges qui bordent le Yarapa.


César, notre hôte, guide et futur ami est natif de la région et y a toujours vécu.. Vivant, comme tous les habitants, des ressources de la jungle et du fleuve la création de la réserve le laisse sans moyen de subsistance. Les autorités interdisent de pêcher, chasser ou cueillir mais ne lui proposent rien en échange. Aller vivre à la ville pour trouver du travail ne l'enchante pas , lui qui a dans son cœur son paradis et enfer vert qu'est et peut être la jungle. Continuant ses activités, il a des soucis avec la justice et décide donc de devenir guide et de proposer ses propres excursions. Les hauts fonctionnaires approuvent et applaudissent mais ne lui donne aucun moyen pour développer sa petite entreprise. Concurrence inégale face à ces immenses et magnifiques lodges gérées par des américains et qui fleurissent dans la région !! Notre séjour et nos devises lui permettrons donc de continuer sa maison, de faire vivre sa famille et est pour nous une façon plus authentique et beaucoup moins cher d'explorer cette amazonie tant rêvée. Si vous passez par là, n'hésitez pas ! ( lien internet : www.viajeselvaperu.com)
Il est bien sûr important de protéger et de conserver cette biosphère à la biodiversité incroyable et véritable poumon de notre terre....écolos dans l'âme nous en sommes convaincus...les dégâts de l'exploitation forestière, pétrolifère et aurifère dont nous sommes témoins pendant notre voyage sur le rio Ucayali, nous prouvent qu'une fois de plus  « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » («Les animaux malades de la peste» La Fontaine)


Le long des berges s'étale le village : maisons précaires sur pilotis, potager, verger de camu camu dont les fruits semblables à de grosses cerises servent à la fabrication d'une boisson au goût délicieux, basse cour et même un petit commerce nous permettant de nous ravitailler en cigarettes. La vie y est paisible...Les enfants s'amusent à grand renfort de rire, les femmes assises dans les barques font leur lessive, des hommes pêchent tandis que d'autres s'affairent à la construction de leur maison ou de leur embarcation.
Après un peu de repos et un copieux petit déjeuner nous partons sur le Yarapa à la découverte des alentours. César est un véritable expert et repère ,dans ce touffu tapis végétal, oiseaux, singes et même un iguane perché là haut sur une branche... Nous nous approchons à la rame pour avoir toutes nos chances d'apercevoir ce monde animal si discret. Les papillons, eux, aux diverses couleurs et formes effectuent autour de nous leur danse légère, se moquant bien de notre présence. Les « morphos » au bleu métallique étincelant viennent nous narguer, se posant régulièrement et s'envolant au moment de prendre la photo .
Nous débarquons et partons marcher dans la forêt...Pantalon et manches longues sont nécessaires pour se protéger de notre pire ennemis... non pas les tarentules, ni les serpents ( que nous n'avons d'ailleurs pas rencontrés durant tout notre séjour)...mais les moustiques. Malgré nos précautions et les produits répulsifs, voraces et innombrables, ils se font un plaisir de me dévorer. Ici les sous bois sont boueux et marécageux, la forêt étant pendant plusieurs mois inondée (en saison des pluies) et les marques du niveau de l'eau sur les arbres nous laissent perplexes..difficile de s'imaginer ce décor littéralement submerger. Les bottes ne sont donc pas un luxe et tant pis pour le look !! ( pire que quand je travaille dans mon jardin !)

Arbres gigantesques, racines défiant l'imagination et lianes s'entortillant, grimpant et se déroulant avec art et esthétisme. César nomme chaque espèce de végétal et leur propriété ainsi que leur utilité médicamenteuse. Un savoir ancestral non oublié et toujours en usage aujourd'hui. Quelques coques de fruits à terre nous font partir à la recherche de singes...De temps en temps nous nous figeons, immobiles, tous les sens en alerte, à guetter un bruit ou un mouvement dans les hauteurs des branches. Mais pour cette fois nos recherches sont vaines et la faim tiraillant nos estomacs nous rentrons à la maison.
                                           











Cet après midi, notre embarcation nous attend pour une autre découverte....César emporte 4 cannes à pêche...disons plutôt 4 fins bouts de bois auxquels est accroché un fils de pêche avec à son extrémité un gros hameçon...Après une grosse demi heure de navigation, nous empruntons un sentier entouré d'immenses bambous d'où nous rejoignons un étang. Là, des nénuphars géants ( Victoria regia ) ont envahi tout l'espace, le paysage est magnifique et même les moustiques n'arrivent pas à nous gâcher le plaisir des yeux. Entre ces superbes plantes aquatiques et leurs fleurs nous jetons nos lignes...César et notre batelier font preuve d'une agilité étonnante (vu le matériel précaire utilisé) et ont très vite du succès. Denis, après plusieurs échecs, finit par attraper 3 ou 4 de ces beaux poissons carnivores tandis que toutes mes tentatives restent vaines...Mais la beauté des lieux me suffit amplement et me comble de joie. César, appuyé sur un bout de bois immergé, est dans ses pensées quand soudain celui s'enfonce et se rompt. Malgré son moulinet de bras pour essayer de se rattraper, il se retrouve les fesses dans l'eau . D'un bond il en sort très vite,trempé et vaseux mais sans dommage. Assurés qu'il ne s'est pas blessé, nous partons dans un fou rire général.
Le soir tombe, un couple de papagayo nous survole en poussant quelques cris tandis qu'autour de nous la jungle semble se réveiller et un concert de bruit d'insectes s'élève de ces terres inondées. L'attaque des moustiques s'intensifie mais absorbés par le charme du coucher de soleil nous en oublions tous les désagréments.















La journée se termine à la casa Shapshico autour d'un bon repas et nous passons le reste de la soirée à écouter César nous conter histoires et légendes de ce pays qu'il sait si bien raconter...Le fleuve, le ciel, la jungle et sa faune sont les puissants héros d'un monde fantastique et qui nous est totalement inconnu ... Tels des enfants qui ne veulent pas dormir, nous pourrions l'écouter toute la nuit.


La maison s'active déjà depuis un moment mais nous ne sortons du lit que vers les 8 heures. A peine réveillés, nous admirons notre décor...la casa semble vide... Une seule idée pour l'instant : un bon café...
César fait son apparition tandis que les papagayos au loin nous accueillent bruyamment...De suite , l'instinct du guide prend le dessus et il cherche à nous les montrer, nous chaussons donc nos bottes et nous voici partis à la recherche de ces majestueux oiseaux...Ils sont par là...encore un peu plus loin....non là bas...finalement nous nous enfonçons à travers la forêt pour enfin apercevoir ces grands et magnifiques perroquets colorés. Emportés par l'enthousiasme de César à nous faire découvrir un maximum de choses, nous faisons une ballade de plus d'une heure et c'est ainsi que je me retrouve à faire Tarzan au bout d'une liane ( il ne manquait que le costume et le cri...finalement un vieux rêve d'enfant réalisé...Moi , Jane!!) pour traverser un petit ruisseau … toujours en pyjamas et l'estomac vide !! Mais notre escapade en vaut la peine, papagayo, singes et même un paresseux perché au loin sur une branche et que nous distinguons aux jumelles comme une boule de poil, croisent notre route.
Après notre petit déjeuner tant attendu, nous nous préparons à partir en campement dans la jungle et a y passer la nuit. Toute la maison s'affaire pour que nous ne manquions de rien. César ne nous accompagnera pas...il doit préparer l'arrivée de 4 touristes pour le lendemain et c'est Ney qui sera notre guide. Homme de 40 ans natif et habitant d'un village voisin, son savoir et son expérience n'a rien à envier à César. Nous voilà entre de bonnes mains.


Plus de deux heures de navigation sont nécessaire pour rejoindre les rives du lac où nous établissons notre campement.
Il faut dire que Ney, à notre grand plaisir, stoppe régulièrement notre embarcation pour nous faire admirer la flore et la faune qui peuplent les berges du Yarapa.
 Ici le « mama vieja » (rapace pêcheur), un peu plus loin une tortue prenant le soleil, là des singes dégringolant joyeusement de branches en branches....bref toute une vie qu'il nous explique avec plaisir et que nous dégustons avec délice. Le moment est agréable et le paysage magnifique. L'eau sombre du fleuve contraste avec le vert de ses berges, des arbres dont nous ne voyons pas le sommet nous donne le vertige tandis que lianes et racines descendent jusqu'à l'eau dans des enchevêtrements hallucinants. Des jacinthes d'eau envahissent par endroit le rio, le recouvrant tel un tapis où d'autres végétaux peuvent sans souci s'épanouir, comme si la jungle en ébullition se répandait hors de ses limites.














Puis le décor s'ouvre sur l'immensité du lac que nous traversons . Déchargement des provisions et du matériel nécessaire à un bon séjour et Ney et notre fidèle batelier installent deux hamacs. Le mot d'ordre : « reposez vous pendant que nous finissons l'établissement du campement et préparons le repas. » De vrais pachas !! La chaleur est étouffante et malgré manches longues et pantalons les moustiques sont déjà bien présents.
L'après midi, Ney nous amène en ballade dans la jungle. Muni de sa hachette, il libère le passage des branchages ou autre qui peuvent gêner notre progression mais surtout marque notre chemin par une encoche sur les troncs. Ici pas de sentier et nous nous déplaçons sans boussole. Nous retrouvons le décor déjà aperçu avec César et Denis essaye d'apprendre à reconnaître les arbres qu' identifie Ney. Ruisseaux , mare de boue, lianes, arbres géants et moustiques nous accompagnent pendant ces quelques heures. Pas de fleur dans ces sous bois où la lumière transperce partiellement mais un vrai parcours du combattant. Nous dégoulinons littéralement de sueur et l'armada d'insectes suceur de sang nous attaque tandis qu'un concert de mains chassant ces opportuns rythme notre marche...mais je reste leur cible favorite malgré l'application régulière de répulsif.




Le soleil est bien bas quand nous retrouvons notre camp, fatigués mais heureux de cette expérience unique et émerveillés du savoir de notre guide et de la façon dont les habitants de cette région savent tirer profit de cette nature extrême. 12 ans d'apprentissage ont été nécessaire à Ney pour pouvoir se diriger ainsi en pleine jungle et ne pas se perdre. Non seulement il est devenu un bon guide mais est aussi un excellent cuisinier !
Pour l'instant, je n'espère qu'une bonne douche mais même la baignade dans les eaux du lac n'est pas recommandée, la présence de piranhas la rend dangereuse et à la vue de la cicatrice de la jambe de Ney j'en suis vite convaincu, nous nous contentons donc, assis dans la barque, d'un petit nettoyage.

Le ciel se charge de nuages et nous profitons du spectacle du coucher du soleil et du bruit de la jungle qui nous dit bonsoir....mais la guerre est déclarée.. jamais je n'ai subi une telle invasion de moustiques et je me fais véritablement dévorer...Ney sort l'artillerie lourde et nous encercle de spirales insecticides...Eh oui ce n'est pas bon pour la santé mais là c'est une question de survie !!!





Quand la nuit s'est installée , nous embarquons pour essayer d'apercevoir les caïmans sortant se restaurer. Nous naviguons dans le noir à la rame à travers les tapis de jacinthes. Crapauds et grenouilles nous offrent un récital assourdissant donnant une ambiance bien particulière à notre expédition. Muni de sa lampe torche, Ney balaie les environs avec l'espoir d'entrevoir ce grand prédateur mais sans résultat. Il se met à pousser un cri guttural imitant ainsi l'appel des caïmans...pas un bruit ( sauf bien sûr, celui des batraciens!)...il répète plusieurs fois ce son bizarre qui semble sortir d'un autre corps quand soudain, là bas, au loin on lui répond. Cette fois, l'animal est détecté et nous partons dans sa direction...mais la « bête » ne veut pas sortir de son repère et l'endroit où il se cache est un réel piège pour une navigation nocturne. L'orage qui éclate soudain conclue l'aventure et nous arrivons au campement complètement trempés. Moi qui voulait une douche , je suis servie !!!


Au matin,quand nous sortons de dessous la moustiquaire, le petit déjeuner nous attend et nos vêtements ont pratiquement séchés. La nuit a été douce et sans mauvaise surprise. Le campement est levé et nous partons à la pêche aux piranhas.

Les petits poissons pêchés avant par notre batelier servent d'appâts. Pour attirer notre proie, nous frappons la surface de l'eau avec notre canne, ils sont là... pas de doute.. d'une rapidité et d'une voracité féroce nous n'avons pas le temps de les ferrer que l'hameçon est vide. Les touches sont pratiquement imperceptibles et c'est un joli ballet de fils de pêche tournoyant dans les airs que nous effectuons Denis et moi. Mais patience et persévérance payent... fièrement je ramène le premier piranhas... la photo est de mise..
Joli poisson de forme ovale et à la gorge rouge, il semble bien inoffensif mais Ney prend toutes les précautions pour lui enlever l'hameçon et nous montre sa dangereuse dentition...là on a beaucoup moins envie de l'appeler Nemo et de le mettre dans l'aquarium....

le spécimen est petit et Ney décide de nous emmener un peu plus loin voir ses grands frères. Malgré une attente plus importante, notre équipage en prendra plusieurs, seul Denis reste bredouille mais l'ambiance est jovial et le paysage et la faune qui nous entourent suffisent à notre plaisir.
Nous ne sommes pas des pêcheurs invétérés...même de piranhas!!


Nous finissons notre matinée par la visite, dans un village proche, d'une lagune où les nénuphars Victoria regia se développent depuis la nuit des temps et où les habitants conscients de leur trésor les préservent amoureusement.
 Le décor est magnifique et nous pouvons une nouvelle fois admirer ses superbes plantes et leurs fleurs à tous les stades de leur développement. Entouré de hautes herbes et d'arbres les pieds dans l'eau, l'endroit se prête à la rêverie et au romantisme.



Ney nous présente ensuite sa famille. Sa femme fait un peu d'artisanat et son grand fils peint la jungle et la faune qu'il connaît si bien. Le plus petit, lui, fait le pitre et cherche notre attention. Nous repartons avec quelques souvenirs soutenant ainsi ces familles essayant de survivre ici en développant quelques activités touristiques. Frustrés de ne pas avoir pu admirer de près les paresseux, nous passons en voir un qui a élu domicile chez un voisin qui le nourrit. L'animal est là haut sous le toit de palme. Le gamin de la maison grimpe à sa rencontre et l'objet de notre curiosité s'agrippe lentement à lui. Le paresseux n'est pas spécialement beau mais sa force dans ses griffes et ses positions d 'enfant sont surprenantes. Accroché à nous il se laisse caresser comme une gentille
peluche. Quelques photos souvenirs et il est temps de rentrer à la casa Shapshico.







Une belle aventure s'achève mais nous resterons en contact avec la maison Shapshico et les gens qui la font vivre. Encore un bon repas avec notre ami César, un bon débarbouillage et nous bouclons nos sacs pour rejoindre Iquitos et la civilisation. ....mais ça c'est une autre histoire.






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire